Habitat indigne

Marseille sonne le glas de l’omerta

Le 25 janvier dernier, une marche contre le logement indigne a eu lieu, faisant écho au drame du 5 novembre 2018 ; date à laquelle s’effondrent plusieurs immeubles de la rue d’Aubagne, au cœur de Marseille. Le bilan est lourd : huit personnes y trouvent la mort. Cet événement tragique agit comme catalyseur en matière de reconnaissance des logements indignes marseillais, et plus globalement, français. L’effondrement résonne en effet à travers la France et sensibilise le pays à ce problème jusqu’alors latent – et pourtant très présent.

Bien que les estimations du nombre de logements indigne en France varient selon les positions de chacun (600 000 pour la Fondation Abbé Pierre contre 420 000 pour l’Etat¹), le fléau en reste pas moins important. De surcroît, le concept de logement indigne porte en son sein de nombreuses variantes qui élargissent sa portée.

Indécence, insalubrité et péril : des notions à distinguer

La notion d’habitat indigne englobe les notions d’indécence, d’insalubrité de de péril, chacune vectrices de particularités définitionnelles, juridiques et applicationnelles.

En matière de logement indécent, s’appliquent le Code Civil ainsi que les lois relatives aux rapports locatifs. L’article 1719 du Code Civil (sur les obligations à la charge du propriétaire) et l’article 6 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1898 disposent que tout logement ne garantissant pas la sécurité ou la santé des occupants, et/ou étant dépourvu des équipements requis à l'usage d'habitation peut être qualifié d’indécent.

C’est le Code de la Santé publique (et plus précisément les articles L.1331-1 à L.1331-31) qui s’applique ainsi que le règlement sanitaire départemental pour ce qui est des logements insalubres. L’insalubrité d’un logement est définie par la loi du 13 avril 1850 : « les logements qui se trouvent dans des conditions de nature à porter atteinte à la vie ou à la santé de leurs habitants ». Par ailleurs, cette même loi fixe les principaux facteurs d’insalubrité ; à savoir un habitat ou des conditions d'occupation dégradés. En somme, tout logement ou immeuble dont les dégradations constatées peuvent présenter un danger pour la santé de ses occupants ou du voisinage est insalubre.

S’agissant de la notion de péril ou bâtiments menaçant ruine : le Code de la construction de l’habitation détermine, en son article L511-1, la nature des immeubles concernés. En résumé, un immeuble présentant un danger aux vues de sa solidité (affaissement des fondations, fragilité de la toiture, fissures, chutes de pierres etc.) peut être qualifié de « bâtiment menaçant ruine ».

¹ Le Journal du Dimanche, Mathilde Durand « Marseille : une nouvelle marche contre le logement insalubre et "la criminalisation" des associations », 24 janvier 2020

Les procédures à suivre

Un locataire qui habite dans un logement présentant des manquements aux critères de décence (définis dans les textes de lois susmentionnés) peut, soit engager des démarches amiables, soit saisir la justice. Il faut noter que contrairement aux bâtiments menaçant ruine, la loi ne permet pas l’intervention du maire pour remédier aux carences du propriétaire en matière de décence.

Toute personne témoin de faits soulevant la question de la salubrité de quelque lieu (inétanchéité, défauts des réseaux d’électricité, dispositifs d’évacuation des eaux usées défectueux, présence de nuisibles etc…²) doit avertir le maire de la commune concernée. L’évaluation de l’insalubrité est ensuite réalisée par un agent assermenté de l’Agence Régionale de la Santé (ARS) ou du Service Communal d’Hygiène et de Santé (SCHS) se référant à une liste de critères prédéfinis pour établir son rapport.

Tout comme pour un cas d’insalubrité, toute personne est tenue d’avertir le maire de la commune en cas de signes révélant une potentielle insécurité. Le maire aussi peut engager une procédure de péril à l’encontre du propriétaire ou du syndic de copropriété. L’objet de cette législation n’est pas d’obliger à entreprendre des travaux de réparation ou de restauration définitifs du bâtiment mais des travaux strictement nécessaires pour mettre fin au péril.

Quel avenir ?

De nombreux plan d’action sont mis en œuvre en France, et plus particulièrement à Marseille – berceau du fléau avec 40 000 cas de logement indigne recensés. Toutefois, le problème persiste. Il faudrait compter quelques décennies avant de régulariser de manière significative la situation. De plus, malgré diverses initiatives, la question de la responsabilité ne parvient pas à être résolue. Les mairies dénoncent un « casse-tête » ³ : sont-elles responsables de la pérennité des cas de logement indigne ? Est-ce plutôt les propriétaires ? En réalité, chaque partie est impliquée dans cette question complexe comme le sous-entends les lois relatives au logement indigne.

Une démarche se détache tout de même du bilan peu glorieux soulevé : le permis de louer. Cette mesure administrative – relative au droit immobilier en France – impose une autorisation préalable de mise en location à tout propriétaire bailleur et gestionnaire de biens.

Dans la commune de Châteaurenard (dans les Bouches-du-Rhône) cela fait déjà 6 ans que le dispositif est appliqué, et ce avec succès. Marseille s’y adonne depuis le 15 octobre dernier, exclusivement dans le quartier Noailles de l’hypercentre à titre expérimental.

Il faut aussi noter que de nombreux fonds sont mis à disposition par des associations et l’Etat. L’agence nationale de l’habitat (ANAH) mets notamment à disposition des aides visant à lutter contre le logement indigne.

Note rédigée par Toscane ROUHI

² Plus de critères sur https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F16158
³ Le Point, AFP, « L'habitat indigne: "casse-tête" pour les maires, cauchemar pour les locataires », 13 novembre 2018.

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