Nullité de la pose d’un dispositif de géolocalisation parking privé

Le 11 janvier 2023, Cabinet Michel PEZET et Associés obtient la cassation d’un arrêt de la chambre d’instruction de la Cour d’appel d’Aix en Provence

Décryptage d'une jurisprudence

Cass. Crim. 11 janvier 2023, n°22-81750[1]

Dans le cadre de l’instruction criminelle, le Cabinet Michel PEZET et associés soulevait devant la Chambre de l’instruction de la Cour d’appel d’Aix en Provence la nullité de la pose d’un dispositif de géolocalisation d’un véhicule dans le parking ouvert d’une résidence privé, sans l’autorisation écrite d’introduction prévue à l’article 230-34 du Code de procédure pénale.

La Chambre de l’instruction de la Cour d’appel d’Aix en Provence rejetait ce moyen de nullité.

Par arrêt du 11 janvier 2023, n° 22-81750, la Chambre criminelle de la Cour de cassation casse et annule cette décision.

Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 11 janvier 2023, 22-81.750, Inédit - Légifrance

Ce que prévoit le code de procédure pénale

Article 230-32 du code de procédure pénale :

« Il peut être recouru à tout moyen technique destiné à la localisation en temps réel, sur l'ensemble du territoire national, d'une personne, à l'insu de celle-ci, d'un véhicule ou de tout autre objet, sans le consentement de son propriétaire ou de son possesseur, si cette opération est exigée par les nécessités :

1° D'une enquête ou d'une instruction portant sur un crime ou sur un délit puni d'au moins trois ans d'emprisonnement ;

2° D'une procédure d'enquête ou d'instruction de recherche des causes de la mort ou de la disparition prévue aux articles 74,74-1 et 80-4 ;

3° D'une procédure de recherche d'une personne en fuite prévue à l'article 74-2.

La géolocalisation est mise en place par l'officier de police judiciaire ou, sous sa responsabilité, par l'agent de police judiciaire, ou prescrite sur réquisitions de l'officier de police judiciaire, dans les conditions et selon les modalités prévues au présent chapitre. »

Article 230-33 :

« L'opération mentionnée à l'article 230-32 est autorisée :

1° Dans le cadre d'une enquête de flagrance, d'une enquête préliminaire ou d'une procédure prévue aux articles 74 à 74-2, par le procureur de la République, pour une durée maximale de quinze jours consécutifs dans les cas prévus aux articles 74 à 74-2 ou lorsque l'enquête porte sur un crime ou sur une infraction mentionnée aux articles 706-73 ou 706-73-1, ou pour une durée maximale de huit jours consécutifs dans les autres cas. A l'issue de ces délais, cette opération est autorisée par le juge des libertés et de la détention à la requête du procureur de la République, pour une durée maximale d'un mois renouvelable dans les mêmes conditions de forme et de durée ;

2° Dans le cadre d'une instruction ou d'une information pour recherche des causes de la mort ou des causes de la disparition mentionnées aux articles 74,74-1 et 80-4, par le juge d'instruction, pour une durée maximale de quatre mois renouvelable dans les mêmes conditions de forme et de durée.

La durée totale de cette opération ne peut pas excéder un an ou, s'il s'agit d'une infraction prévue aux articles 706-73 ou 706-73-1, deux ans.

La décision du procureur de la République, du juge des libertés et de la détention ou du juge d'instruction est écrite et motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations sont nécessaires. Elle n'a pas de caractère juridictionnel et n'est susceptible d'aucun recours. »

L’article 230-34 du code de procédure pénale,

« Dans les cas mentionnés aux 1o et 2o de l'article 230-33, lorsque les nécessités de l'enquête ou de l'instruction l'exigent, le procureur de la République ou le juge d'instruction peut, aux seules fins de mettre en place ou de retirer le moyen technique mentionné à l'article 230-32, autoriser par décision écrite l'introduction, y compris en dehors des heures prévues à l'article 59, dans des lieux privés destinés ou utilisés à l'entrepôt de véhicules, fonds, valeurs, marchandises ou matériel, ou dans un véhicule situé sur la voie publique ou dans de tels lieux, à l'insu ou sans le consentement du propriétaire ou de l'occupant des lieux ou du véhicule ou de toute personne titulaire d'un droit sur ceux-ci.

S'il s'agit d'un lieu privé autre que ceux mentionnés au premier alinéa du présent article, cette opération ne peut intervenir que dans les cas mentionnés aux 3o et 4o de l'article 230-32 ou lorsque l'enquête ou l'instruction est relative à un crime ou à un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement.

(…) ».

Les faits

Sur le fondement de l’article 230-33 du Code de procédure pénale, le procureur de la République autorise les enquêteurs à procéder à l’installation d’un dispositif de géolocalisation en temps réel sur le véhicule PEUGEOT 407.

Par procès-verbal, les enquêteurs relatent la pose du dispositif de géolocalisation sur le véhicule PEUGEOT 407 lequel précise que l’installation s’est déroulée à 06 heures et 10 minutes alors que le véhicule se trouvait au sein d’une résidence. Pour ce faire ils s’introduisent dans une résidence où le véhicule se trouve garé face à un bâtiment.

Cette résidence est une copropriété, fermée par un portail électrique surmonté d’un panneau portant la mention « propriété privée » « entrée strictement interdite ».

Il s’agit en outre du lieu où demeure le mis en cause. Ce fait était connu des enquêteurs qui indiquent se rendre au domicile de ce dernier lorsqu’ils se transportent à cette adresse, par exemple à l’occasion d’une surveillance.

Le procureur de la République, s’il a autorisé l’installation d’un dispositif permettant la géolocalisation en temps réel du véhicule Peugeot 407, n’a pas autorisé, par écrit, l’introduction dans un lieu privé.

Or, en application de l’article 230-34 du Code de procédure pénale, lorsque l’installation d’un dispositif technique de géolocalisation nécessite de s’introduire dans un lieu privé, il faut, en plus de l’autorisation générale de procéder à l’installation, une décision écrite autorisation spécifiquement les enquêteurs à s’introduire dans ce lieu privé.

La chambre criminelle de la Cour de cassation avait déjà rappelé que « les parties communes d’une copropriété constituent un lieu privé ». (Cass. Crim. 27 mai 2009, n°09-82115)

Pourtant, pour rejeter le moyen de nullité, la Chambre de l’instruction de la Cour d’appel d’Aix en Provence retenait « qu’il ne ressort pas des éléments qui lui sont soumis que pour mettre en place le dispositif de géolocalisation sur le véhicule PEUGEOT 407 les enquêteurs se seraient introduits dans un lieu privé destiné ou utilisé à l’entrepôt de véhicules, fonds, valeurs, marchandises ou matériel au sens de l’article 230-34 alinéa 1 du code de procédure pénale. Il s’en déduit que, contrairement à ce qui est soutenu, les enquêteurs ont pu procéder régulièrement à la mise en place du dispositif considéré sans avoir reçu du procureur de la République l’autorisation particulière prévue par cette disposition légale. »

La cassation

« Vu l'article 230-34 du code de procédure pénale :

27. Selon ce texte, la pose ou le retrait d'un matériel destiné à la localisation en temps réel fait l'objet d'une décision écrite du juge d'instruction ou du procureur de la République lorsqu'elle implique l'introduction dans un lieu privé destiné ou utilisé à l'entrepôt de véhicules, fonds, valeurs, marchandises ou matériel, ou dans un véhicule situé sur la voie publique ou dans de tels lieux.

28. Doit être considéré comme un lieu privé au sens de ce texte tout lieu clos dont l'accès dépend du consentement de celui qui l'occupe, et n'est dès lors pas ouvert au public.

29. En effet, il résulte des travaux parlementaires préparatoires à l'adoption de la loi n° 2014-372 du 28 mars 2014 que le législateur a voulu soumettre l'intrusion dans tout véhicule ou tout lieu privé à l'autorisation d'un magistrat. En instituant une gradation entre lieux privés selon leur usage, il n'en a pas exclu certains du champ d'application du texte précité, dont l'objet est la protection de la vie privée.

30. Pour rejeter la demande d'annulation présentée par M. [S], la chambre de l'instruction énonce qu'il ne ressort pas des éléments qui lui sont soumis que, pour mettre en place le dispositif de géolocalisation sur le véhicule en cause, les enquêteurs se seraient introduits dans un lieu privé destiné ou utilisé à l'entrepôt de véhicules, fonds, valeurs, marchandises ou matériel.

31. En prononçant ainsi, alors qu'il résulte des pièces de la procédure que les enquêteurs ont procédé, sans autorisation écrite, à la pose de la balise de géolocalisation dans l'enceinte d'un ensemble immobilier en copropriété, dont l'accès était fermé par une barrière et interdit au public, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé. »

Ainsi, par cet arrêt la Cour de cassation précise que l’enceinte d’un ensemble immobilier en copropriété dont l’accès est fermé par une barrière et interdit au public, et donc notamment le parking ouvert d’une copropriété, doit être considéré come un lieu privé au sens de l’article 230-34 du code de procédure pénal.

Maître Justine LAUGIER

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